Apparu il y a quelques années en même temps que le passage des sets de 11 pts et du match au meilleur des 5 manches, le TEMPS MORT soulève beaucoup de questions, il est porteur de bien des mystères.
Parfois totalement inutile, parfois renversant, c’est de par sa double nature: imprévisible et imprédictible, que le temps mort est un moment spécial.
Parfois sur-estimé, parfois interdit dans certaines compétitions, utile? Accessoire? Indispensable?
_____________________________________
Essayons d’y voir plus clair
D’abord une définition:
Il s’agit d’une minute demandée par le coach, ou par le joueur, voire, en championnat par équipes, par n’importe quel personne « du banc », en plus des temps « habituels »: pause entre chaque sets, pause tous les 6 points…
On peut le demander à n’importe quel moment du match, entre deux points. Le joueur ou le coach indique le signe « T » de la main a l’arbitre signifiant « time out ».
Une minute.
Si les deux camps prennent temps mort en même temps, il est considéré comme pris pour les deux joueurs. Il n’existe pas énormément d’études sur les temps morts, donc je me lance dans une explication basée sur mon expérience de coaching depuis maintenant quelques années, du niveau international au championnat départemental minimes. Cela n’engage que moi.
Essayons de répondre a ces quatre questions: Qui ? Quand ? Pour dire quoi ? A qui ?
1) QUI PREND LE TEMPS MORT ?
Souvent, le coach, l’accompagnateur, voire un joueur du banc prend le temps mort pour le joueur qui joue. Quelquefois, le joueur lui-même prend le temps mort, car il sent le moment opportun, besoin de souffler, besoin de se remettre en question, gestion du stress supplémentaire en fin de set, de match… Ou tout simplement dernier recours face à des ressentis négatifs (peur de perdre, peur de gagner…)
2) QUAND PRENDRE LE TEMPS MORT ?
Premier point: il existe au tennis de table une certitude statistique : les points sont souvent marqués par séries. A partir de ce constat, prendre un temps mort quand une série est en cours peut casser cette dynamique.
Ca marche dans les deux sens, quand votre joueur se fait mener largement (1-6, 1-7…). Prendre temps mort à ce moment là permettra de casser la dynamique adverse. Au contraire, si votre joueur mène 6-1, 7-1, des le 7-2, ça peut être utile de prendre un temps mort pour éviter la remontée adverse et le stress qu’elle pourrait engendrer. Deuxième point, les « moments clés ». Il arrive parfois que deux joueurs se « tirent la bourre » à tel point qu’ils ne se départagent pas ! 12-12, 14-14, voire 20-20 à la belle (comme Arthur, son papa et moi-même avons pu voir ce dernier week-end de critérium), prendre un temps mort à ce moment là, pourrait permettre de briser quelque chose chez l’adversaire, le faire « craquer », lui ajouter un supplément de pression…
Troisième point, parfois le temps mort est demandé en dehors des deux logiques précédentes, souvent pour mettre au point une tactique ou pour en changer. Nous y reviendrons. Mais un des moments où je peux prendre un temps mort est parfois juste après un temps mort adverse, quand je vois clairement un changement tactique préjudiciable à mon joueur.
3) POUR DIRE QUOI?
Certains entraîneurs diront: « On peut tout dire et n’importe quoi pendant un temps mort, pourvu que ça marche! »
D’un point de vue personnel, je me concentre à des données tactiques. Ne pas surcharger l’esprit, ne pas dépasser 3 conseils…
Parfois, et comme il s’agit souvent d’un moment critique, le temps mort peut simplement être un moment d’écoute, un moment de calme, où le joueur évacue simplement ses peurs, ses angoisses, voire sa colère ou son désarroi. Le joueur possède déjà la solution tactique, mais son esprit est trop encombré pour y penser, ou les appliquer…
A certains moments, c’est un moment de « coaching » au sens moderne du terme, c’est a dire d’un boost psychologique. Le coach meneur d’homme devra trouver les mots pour transcender son joueur.
A l’inverse, ça peut également être un moment de remise en cause d’une mauvaise attitude, d’une mauvaise tactique, où le coach va « passer un savon » à son joueur pour espérer une réaction.
Quoiqu’il en soit, le contenu du coaching et plus particulièrement du temps mort est directement lié à la relation entraineur-entrainé. Ce qui nous amène au dernier point
4) A QUI?
Derrière cette question, évidemment se trouve la question: que va-t-on dire à quelle catégorie de joueur ? On ne coache pas les adultes comme on coache les enfants.. On ne coache pas les filles comme on coache les garçons… Evidemment on ne coache pas en N1 ou N2 comme on coache en départementale. Disons que chez les enfants, le coaching devra se tourner vers la compréhension, le pourquoi je fais telle ou telle chose… Que l’enfant puisse comprendre et reproduire une tactique ou une réponse tactique. Il faudra aussi être sévère sur les comportements anti-sportifs, et bienveillant sur le coté « je fais des efforts quoiqu’il arrive ».
D’un point de vue personnel, je pense que le plus important est d’arriver à faire comprendre à l’enfant que le point est le point, et qu’après le point vient un autre qu’il convient de jouer avec la même envie, la même rigueur.
Les filles, plus à l’écoute de leur propres sensations, plus sensibles, ont souvent la solution en elles. Il faut plus souvent les laisser parler, les rassurer sur elle-mêmes en oubliant l’adversaire. Tout en distillant quelques conseils tactiques au passage… Tandis que les garçons pourront être motivés par l’adversité, le combat, les filles, elles, seront motivées par la réussite, la sensation de bien jouer, de faire plaisir.
Chez les adultes, la dominante niveau coaching se doit de rester la tactique. Les placements sur les 3 premières balles (service-remise-3ème balle) sont souvent déterminants pour prendre l’avantage dans l’échange, et donc dans le match.
Cela sera l’objet d’un futur article.
_____________________________________ Pour conclure, je peux dire que le coaching est un choix, qu’il faut inciter les jeunes et moins jeunes à prendre eux-mêmes les temps morts. Pour se questionner sur son jeu, se remettre en cause, pour progresser.
Prendre le temps mort est intelligent, utile surement. A condition de respecter certains principes. Le coach ne joue pas, il ressent, mais surement pas comme le joueur ressent.
Ca veut dire que pour le coach, bien connaitre à qui on a à faire est essentiel. Avec de jeunes joueurs, il m’arrive parfois de ne pas le prendre, pour le reprocher ensuite: « pourquoi tu n’as pas pris temps mort à ce moment la? »
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.